Le toit de la Maison blanche a disparu. La Petite Montagnarde n’a plus ni grange ni étable, elle est réduite à un tas de briques et de tuiles, avec des abreuvoirs pour les vaches. Les autres maisons entre Campegine et Calerno [en Emilie-Romagne], région traversée par l’autoroute du Soleil, ont perdu jusqu’à leur nom. “Il fait trop froid ici. L’autre jour, il neigeait et le toit faisait un bruit bizarre”, annonce Marhio, un Roumain qui habite dans l’unique pièce encore debout d’une ferme, où subsistent les vestiges d’une cheminée dans une grande cuisine.

Maisons abandonnées, fermes vides, granges qui ont reçu le dernier brin de luzerne dans les années 1960. Et puis entrepôts, manoirs, forteresses, chalets… toute une zone de l’Italie est tombée dans l’oubli, et son patrimoine, constitué non seulement de pierre mais aussi d’histoire et de culture, est voué à la destruction. “On compte au moins 2 millions de bâtiments abandonnés”, rapporte Achille Colombo Clerici, président de l’Assoedilizia, une association de constructeurs milanaise.Les dernières statistiques, qui remontent à 2001, recensaient quelque 13 millions d’édifices (soit 27 millions d’habitations) dans toute l’Italie. Deux millions de perdus, c’est autant de toits disparus, qui pourraient abriter les habitants de Milan, de Rome, de Turin, de Naples… “C’est seulement il y a quelques années, précise M. Clerici, que nous avons pris conscience du fait que le patrimoine était en train de tomber en ruines. Certes, on ne peut pas imaginer un retour en masse de citadins dans les campagnes, mais on peut restaurer de nombreuses habitations. On peut vivre très bien à la campagne si les maisons sont adéquates, si les services existent… Il faut que les communes permettent que ces bâtiments soient destinés à d’autres usages.”

A elle seule, la Lombardie compte 90 000 fermes, en grande partie laissées à l’abandon.“Sur ces exploitations, raconte Alessandro Begiojoso, qui a imaginé le projet “100 Fermes pour l’Expo”, vivaient et travaillaient de nombreuses familles. Aujourd’hui il n’en reste plus qu’une. Avec ce projet, nous voulons restaurer non seulement le bâti, mais également le territoire local. Pour la reconstruction, il faut compter entre 800 et 1 200 euros du mètre carré. Au final, ces bâtisses peuvent redevenir des fermes, mais aussi autre chose, des gîtes, des sites d’agrotourisme, des bureaux, des centres de formation… Déjà 101 fermes ont adhéré au projet Expo 2015. Elles recevront une aide sous forme de fonds européens pour la préservation du paysage.”